Les 3ème Semaines Européennes de l'Image,
le volet luxembourgeois à Luxembourg et à Dudelange
 

Après "Les trahisons du modèle" (2000) et "Le bâti - Le vivant" en 2002, les Semaines Européennes de l'Image se concentrent cette année sur "l'Apparemment léger".

 
Tom Drahos

Tom Drahos, Contre-culture
Edouard Levé


Edouard Levé,
Sans titre, 2002,
Série Pornographie,
courtesy Galerie Loevenbruck, Paris


Ainsi, l'apesanteur et le physique, la culture et l'identité, le féminisme et le corps sont autant de thèmes abordés dans une "illusion de la présence". A travers des photographies et des vidéos, une dizaine d'artistes internationaux revisitent le thème de la "légèreté" compris dans son sens le plus large. Bref détour par le Petit Robert, selon lequel "léger" est ce…

"Qui a peu de poids, se soulève facilement."

Hsia-Fei Chang semble fascinée par les corps suspendus. Que se soit le sien, accroché à un harnais au dessus de la mer (Suspendue) ou celui de roses fanées (Fleurs fanées, 2002). Toutefois, avec des œuvres comme "Pin Up" (2001), Chang interroge le regard masculin sur la supposée fragilité de la femme.

"Qui est ou donne l'impression d'être peu chargé"

Une silhouette, que l'on suppose féminine, est recouverte d'un voile islamiste qui ressemble davantage à une nappe de table. Un fer à repasser, une râpe, une théière, des objets de l'entretien ménager quotidien, remplacent les visages. Dans ses photographies, Shako Ghadamès interroge le statut de la femme tel qu'il est envisagé dans son pays, l'Iran. Ses images, directes et "apparemment légères", sont en réalité lourdes de sens, car elles questionnent l'identité et l'absence de l'image de la femme dans la culture islamique.

"Qui semble ne peser guère ; qui se meut avec aisance et rapidité"

Les œuvres de l'Australienne Rosemary Laing correspondent le mieux au thème de "l'apparemment léger". Dans sa série de photos couleurs "Bulletproofglass", l'artiste vêtue d'une robe de mariée, se représente volant dans les airs, au milieu des oiseaux et des nuages. Mais ces scènes aériennes, sont détournées par le sang qui coule d'une blessure et qui tâche la robe immaculée et le cou de la jeune femme. Ici aussi, la légèreté n'est qu'apparence…
Les grâces en robes vertes de la vidéo "l'Ecole buissonnière" (2004) de l'artiste luxembourgeoise Trixi Weis virevoltent sur un manège, tous cheveux au vent. Leurs corps se meuvent rapidement dans les airs et reflètent un bonheur paisible. Mais l'apparente insouciance s'efface face aux crissements des chaînes du manège et aux cris d'enfants, qui renvoie à leur statut de mères célibataires qui élèvent seul leurs enfants.

"Qui est peu appuyé"

Les "Boys" (2004) de l'Allemande Nele Stecher sont, malgré leur posture de boxeurs aux poings fermés, de frêles jeunes hommes torse nu. La légèreté de leur posture contraste avec l'image d'athlètes que les adolescents paraissent vouloir donner. "La fusion qui se fait entre la démonstration de force du jeune et la révélation même de sa fragilité compose, au-delà de l'apparente décontraction et beauté, l'image même de cette phase de la vie où l'on devient adulte" explique l'artiste.

"Qui a peu de matière, de substance"

Edouard Levé et Philippe Ramette jouent avec l'absurde et le détournement. Levé allège et simplifie ses images en mettant en scène l'absence, comme danse "Une femme disparaît" (2004) montrant un trottoir vide, où le quotidien, avec des gens habillés dans des vêtements banals de tous les jours. Ainsi, le nu est absent de sa série "Pornographie" (2002) où la position des personnages ne laisse pourtant pas de doute quant à leurs activités charnelles. Le décalé fait place à l'irrationnel chez Ramette. Chez lui, la pesanteur est inversée (Lévitation rationnelle, 2002) ou des accessoires distancient l'homme pour en faire un objet de contemplation ("Socle à réflexion (utilisation)", 1989-2002).

"Qui a de la délicatesse, de la grâce dans la forme"

Parmi les artistes exposés au Luxembourg et à Dudelange, Yuki Onodera a une place à part. D'une part, parce que ses photographies sont en noir et blanc, alors que la plupart des autres artistes privilégient la couleur. D'autre part, parce que ses œuvres ne sont pas réalistes dans le sens où seuls certains détails sont visibles. Les personnages nous apparaissent tels des silhouettes dont on ne saisit que le mouvement léger d'une chevelure ("Transvest-Lisa"), la grâce d'une broderie ("Transvest-Daisy") et la délicatesse d'un jupon ("Transvest-Alice").

"Qui est peu sensible, peu perceptible ; peu important"

"Alice" (2004), une vidéo installation de Vera Weissgerber, relate l'essayage par un transsexuel de vêtements qui peuvent être portés par une ou deux personnes. On oscille entre scénario et réalité, sans jamais savoir où l'on en est. Le factice et le naturel, où encore l'être et le paraître, auraient cependant gagné à ne pas être traités par la figure, ici presque caricaturale du transsexuel, qui apparaît comme une figure grotesque. Plus que l'œuvre elle-même, c'est le traitement qui est "léger".

"Qui a peu de profondeur, de sérieux"

Cette définition convient particulièrement bien à l'œuvre de la Finlandaise Katharina Bosse. Ses "Kitten Devile" et autres "Kitty Crimson" (issues de la série "New Burlesque") sont autant de représentations de filles frivoles et légères. On retiendra surtout la "Candy Whiplash" à l'accoutrement délicieusement kitsch : bas résilles, faux-cul en tulle rose bonbon, chapeau à plumes et caniche blanc.
Tom Drahos mélange les styles et les époques, afin de créer un choc de civilisations anachroniques. Dans sa série "Contre-culture" (2003-2004) des statues de Gudéa, prince de l'époque néo-sumérienne côtoient des héros de jeux vidéo, tandis que des tableaux de primitifs flamands se juxtaposent à des images virtuelles issues de banques d'images d'Internet. Images virtuelles et légères se superposent ainsi à des représentations historiques profondes et chargées de sens.

Le thème de la légèreté apparente sied parfaitement à la photographie, si l'on pense aux formes fantasmagoriques qui depuis le XIXe siècle exercèrent une véritable fascination sur le spectateur. Grâce, finesse, douceur, apesanteur, agilité, vivacité, la légèreté se décline infiniment. Particulièrement si elle n'est qu'apparente, équivoque et plausible. Les artistes présentés à Luxembourg et à Dudelange ont le mérite de nous faire méditer autour d'un thème propice aux rêveries. Comme l'écrit si bien Paul Ardenne "l'imagination, seule, a des ailes".

Sophie Richard-Reisen
Luxembourg, octobre 2004

Yuki Onodera

Yuki Onodera, Transvest-Lisa, courtesy Galerie RX, Paris


Trixi Weis

Trixi Weis, Ecole buissonière, 2004, courtesy Galerie Nei Liicht, Dudelange


"Apparemment Léger", Semaines Européennes de l'Image
- "Philippe Ramette, Edouard Levé, Nele Stecher" : Chapelle du Rham, 1 plateau du Rham, Luxembourg, Jeudi-Dimanche : 15h-18h
- "Tom Drahos" : Centre Culturel Français, 34A rue Philippe II, Luxembourg centre, Lundi-Vendredi : 13h30-18h
- "Rose-Marie Laing, Katherina Bosse, Yuki Onodera, Shadi Ghadirian, Vera Weisgerber, Trixi Weis, Hsia Fei Chang, Xiuzhn Yin" : Galerie Nei Liicht, rue Dominique Lang, Dudelange, Mardi-Dimanche : 15h-19h
- "Projection Bertran Berrenger", Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, 12 novembre 2004, 20h30
- Renseignements : +352 46 21 66 1 (Luxembourg) et +352 51 61 21 292 (Dudelange), jusqu'au 21 novembre 2004, catalogue : ed. Café-Crème, 132 p., 30 euros.

Pour les Semaines Européennes de l'Image au Havre, renseignements au 0033 2 35 53 30 31,  
semaines.europeennes.image@wanadoo.fr
La manifestation s'est associée cette année à la "Saison Polonaise en France", "Nova Polska 2004", renseignements : +33 1 45 83 38 51,  magda@magda-gallery.com

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