Imagine
100 Years of International Surrealisme, MRBAB
Imagine, 100 Years of International Surrealisme
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Imagine, 100 Years of International Surrealisme

Max Ernst, The Fireside Angel (The Triumph of Surrealism), 1937
Imagine, 100 Years of International Surrealisme

"Je suis couché et me vois tel que je suis en réalité. L'électricité est allumée. La porte de mon armoire à glace s'ouvre d'elle-même. Je vois les livres qu'elle renferme. Sur un rayon se trouve un coupe-papier de cuivre (il y est aussi dans la réalité) ayant la forme d'un yatagan. Il se dresse sur l'extrémité de la lame, reste en équilibre instable durant un instant puis se recouche lentement sur le rayon. La porte se referme. L'électricité s'éteint"
Robert Desnos, 1919
 
Avec l'exposition Imagine ! 100 ans de surréalisme international, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) célèbrent le 100e anniversaire de la naissance du surréalisme. Tout comme au BOZAR avec le surréalisme belge, Histoire de ne pas rire. En 1924, l'écrivain français André Breton publie le Manifeste du surréalisme, un essai qui esquisse les principes de base de ce courant artistique. Il veut donner à l'inconscient et à l'irrationnel une place nouvelle et centrale dans l'art et la vie. L'imagination et la liberté sont au cœur de sa pensée. Bruxelles joue un rôle particulier dans cette histoire. Imagine ! élargit donc la lecture du surréalisme international en partant de l'idéologie symboliste. Le surréalisme doit beaucoup à la vie culturelle de la fin du xixe siècle, époque où Bruxelles accueille une avant-garde symboliste, au sein de laquelle le cercle Les XX puis celui de La Libre Esthétique ouvrent la voie à de nouveaux développements. L'exposition vous permettra de découvrir les similitudes, les différences et lignes de faille. La poésie et la littérature relient les différentes générations. Pour des raisons historiques, le symbolisme et le surréalisme constituent des axes prioritaires dans les collections des MRBAB. Souligne Sara Lemmens, la directrice.

L'exposition IMAGINE ! se déploie sur plusieurs thèmes : le Labyrinthe, la Nuit, la Forêt, les Paysages mentaux, le Rêve et le Cauchemar, la Chimère, les Métamorphoses & Mythes, les Larmes d'Éros, le Cosmos. A travers de près de 140 œuvres de Max Ernst à Dali, Jane Graverol, Magritte, Giorgio de Chirico, Man Ray, Delvaux, Dorothea Tanning, Toyen, etc…

Un peu d'histoire quant au rapport entre le symbolisme belge et l'émergence du surréalisme. "Dans une esquisse de l'histoire de l'art moderne belge, Du réalisme au surréalisme, Philippe Roberts-Jones insiste au passage sur les affinités des œuvres de Magritte et de Khnopff, mais sans les analyser dans un contexte historico-culturel plus large." (…) "Dans son étude sur Le Symbolisme en Belgique, Michel Draguet a développé sa recherche à partir de la définition duale qui distingue les "imagiers" idéalistes autour de Sâr Péladan (écrivain précieux et symboliste) des "formalistes" plastiques dans la lignée de Paul Gauguin." (…) "Les mondes étranges de Félicien Rops, Fernand Khnopff, Jean Delville, Constant Montald, William Degouve de Nuncques et Léon Spilliaert, ainsi que des Français Gustave Moreau ou Odilon Redon, invitaient tellement à l'exploration qu'ils en devenaient parfois emblématiques.", comme l'écrit Francesca Vandepitte. Notons cette filiation importante : À partir de 1880, Bruxelles devient un des hauts lieux culturels de la fin du siècle et, grâce au cercle Les XX, les artistes progressistes y trouvent un forum international. En 1886, le symbolisme belge prend son essor sous l'impulsion du poète et critique d'art Émile Verhaeren. Plus tard, Bruxelles deviendra la capitale et le point de ralliement du surréalisme belge dès l'année 1924. Magritte a beaucoup appris de Ferdinand Kfnopff.

Marie Sarré dans son introduction de Chimères écrit : "De mars à juin 1921, Max Ernst est invité par André Breton à exposer à la librairie parisienne Au Sans- Pareil. Aux côtés de peintures dadaïstes, représentant des assemblages mécaniques, sont présentés des collages récents composés de fragments de revues et d'ouvrages encyclopédiques. Loin des compositions cubistes, où l'élément collé intervient comme un morceau de réalité, chaque œuvre apparaît d'une étonnante unité." Les artistes procèdent à des combinaisons multiples d'éléments insolites en réalisant leurs collages et leurs images pleines de métamorphoses. Ils greffent des formes composites et animalières aussi, ce qui aura une incidence décisive sur la naissance de l'esthétique surréaliste. Regardez les œuvres de Max Ernst, de Victor Brauner, avec "L'espace psychologique", 1939, un chien mixé avec une table. Ces créatures hybrides évoquent la chimère antique – homme-oiseau, chien-éventail [ill. 24] – le groupe rassemblé autour de la revue Littérature reconnaît le dépaysement et le merveilleux. Il en va ainsi des séances de sommeil hypnotique ou dans l'exercice de l'écriture automatique qui accouche des textes aux imaginaires débridés.

"Qu'est-ce que le surréalisme ?" s'interroge André Breton le 1er juin 1934, lors d'une conférence devant ses amis belges à la Maison des Huit Heures. La plaquette du même nom, a comme illustration de couverture, le provocant Viol de Magritte. C'est un aperçu kaléidoscopique de plus d'une décennie d'affrontements artistiques radicaux, de recherches libératrices quant à l'engagement des artistes. La définition de Breton, qui date de 1924, reste d'actualité : SURRÉALISME, n.m., Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Nous connaissons la suite des pratiques : écriture automatique avec le fameux livre : Les Champs magnétiques écrit par Breton et Soupault (écrit en 1919, publié en 1920), où l'on aperçoit déjà les citations qui font partie intégrante du texte, notamment de Lautréamont : "lorsque les grands oiseaux prennent leur vol, ils partent sans un cri et le ciel strié ne résonne plus de leur appel. Ils passent au-dessus des lacs, des marais futiles : leurs ailes écartent les images trop langoureuses", ou Rimbaud : "nous touchons à la fin du carême. Notre squelette transparaît comme un arbre à travers les aurores successives de la chair où les désirs d'enfant dorment à poings fermés. La faiblesse est extrême", Apollinaire "La couleur oblongue de ce feu", etc. Puis il y aura les inventions des Cadavres exquis, etc.

Cette exposition tisse évidemment des liens avec tout un aspect du courant symboliste aussi bien français que belge. Il y a des œuvres d'Odilon Redon, de Rops, etc… Mises en relation avec une grande sélection de chefs d'œuvres surréalistes. "IMAGINE! se propose de dévoiler les liens, les similitudes, mais aussi les lignes de fractures entre le surréalisme international et l'un de ses précurseurs, le symbolisme". La peinture de Paul Delvaux fait de nombreuses références aux Métamophoses d'Ovide. Regardons : Pygmalion, on s'aperçoit d'un retournement de l'histoire du sculpteur tombé amoureux de sa représentation idéale de la beauté féminine. Tel sous l'aspect d'un torse de marbre, il semble parler à la femme et lui demande de lui donner vie [Delvaux, cat. 62]. "Au regard des images nocturnes de Magritte, où se manifeste souvent une inquiétante étrangeté, voire la menace et la violence, les nombreuses compositions nocturnes de son compatriote Paul Delvaux font plutôt l'effet d'un lyrisme serein. Certes, elles invoquent aussi le mystère de femmes nues déambulant dans des rues nocturnes, mais au-delà de tout présage inquiétant ou menaçant qui pourrait effrayer ou angoisser le spectateur. Aux images d'inspiration astrologique, alchimique, paradoxale ou lyrique, Joan Miró ajoute un autre aspect : la nuit apocalyptique. Ses rares tableaux immergés dans l'obscurité de la nuit datent des années sombres de la guerre civile espagnole et des affrontements sanglants qui la précédèrent en 1934 dans sa Catalogne natale." Comme le rappelle Hubertus Gaßner, dans son texte de catalogue sur la Nuit.

Désir, fantasmes, de nombreux aspects de la sexualité sont présents dans l'esprit du surréalisme, etc. On sait que Freud était un collectionneur notoire de pièces archéologiques égyptiennes et classiques. Il s'est souvent référé à la mythologie classique, aux textes anciens, pour expliciter certains principes de sa psychanalyse. Si le complexe d'Œdipe est bien connu, les idées que Freud développe à partir de la nouvelle Gradiva dans Der Wahn und die Träumein W. Jensens Gradiva (1907, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen, 1931) ont été d'une grande importance pour Breton et Masson, ainsi que chez un grand nombre d'artistes [ill. 10, 13].

La figure du Minotaure (revue célèbre du même nom que l'on peut voir ici) apparait souvent dans l'iconographie générale du mouvement. Sans doute liée aux mythologies, ainsi Picasso peindra de nombreux minotaures, notamment dans sa fameuse Suite Vollard, commandé par Ambroise Vollard, le grand collectionneur – un véritable chef-d'œuvre ! Ainsi, de 1933 à 1939, à l'initiative des éditeurs Albert Skira et Tériade, la revue surréaliste Minotaure est éditée à Paris. Florilèges et de numéros à thème, c'est un lieu de rencontres de poètes, d'écrivains et pour les recherches artistiques contemporaines, contestataires et interdisciplinaires. Les articles sont rédigés par des artistes et "les poètes les plus représentatifs de leur génération", les sujets sont : l'ethnographie, l'archéologie et la psychanalyse. Il y a un grand intérêt pour la mythologie classique. Ce corpus prend de l'importance pour la création artistique surréaliste. En parcourant aujourd'hui les tables des matières de l'ensemble de la série, on se rend compte que presque tous les grands noms du surréalisme et leurs réalisations révolutionnaires apparaissent dans ces volumes. Les contributions d'artistes étrangers partageant les mêmes idées. Energie et intensité de la réflexion s'en dégagent. Collaborent à la conception de la revue, non seulement Picasso et Duchamp, mais également Miró et Dalí, Ernst et Masson, et Magritte contribuent à son originalité. Ce sont des revues magnifiques que les collectionneurs recherchent aujourd'hui. Citons la fameuse Préface au 1er numéro de La Révolution surréaliste, signée par Jacques André Boiffard, Paul Eluard et Roger Vitrac. "Le procès de la connaissance n'étant plus à faire, l'intelligence n'entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l'homme tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n'a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent".

A propos de Toyen : "Comme Miró, les surréalistes tchèques ont peint, autour de la Seconde Guerre mondiale des images nocturnes aux connotations apocalyptiques indéniables. Parmi eux, Toyen, émigrée en 1947 de Prague à Paris en raison de la situation politique. Pendant la guerre, qu'elle endure à Prague, elle crée le cycle Le Jour et la Nuit composé de neuf dessins. C'est à Paris, dans les années 1950 et 1960, qu'elle réalise cependant la plupart de ses scènes nocturnes. (…) Toyen a emprunté le titre de son tableau à un vers du poème "La Chambre gothique" d'Aloysius Bertrand. Dans Minuit, l'heure blasonnée – comme dans un gothic novel –, des monstres nés de songes surgissent sur une scène de théâtre devenue loge aux allures de grotte, conjointement à des apparitions à la fois mystérieuses et troublantes dont la nature et la signification restent voilées." Hubertus Gaßner.

La présence de Man Ray dans les deux expositions à Bruxelles est largement marquée et soulignée. Alain Jouffroy écrivait : "Pionnier, avec Duchamp et Picabia, du mouvement le plus radical de l'art moderne qui, de Dada au surréalisme, traverse jusqu'à notre époque tout le champ des arts visuels, Man Ray a largement contribué, par son œuvre polymorphe : tableaux, objets, assemblages, photographies et films, à élargir l'horizon et la conscience des peintres."

La création de la fameuse revue Minotaure (couvertures reproduites dans le catalogue) révèle une certaine idée liée aux mythologies et aux formes de labyrinthes. "Avant d'imposer une circulation labyrinthique aux visiteurs des expositions qu'ils organisent en 1938 et en 1947, les surréalistes ont traqué les labyrinthes cachés au cœur même de la ville. Le Paysan de Paris, que publie Louis Aragon en 1926, prône une poétique, une géographie labyrinthique. Ses lieux emblématiques en sont le parc des Buttes-Chaumontsnbsp;: "Que le concept sinueux de l'allée vous reprenne, et vous mène à de véritables folies labyrinthiques", plus encore les passages, ces "labyrinthes sans Minotaure" (voir note du catalogue, D. Ottinger). "Walter Benjamin voit dans les passages décrits par Aragon la reviviscence d'un songe immémorial. (…) "La ville est la réalisation du rêve ancien de l'humanité, le labyrinthe. Le flâneur se consacre sans le savoir à cette réalité". Guy Debord, qui connaissait très bien les théories de Breton et des surréalistes, écrira : "Dans l'architecture même, le goût de la dérive porte à préconiser toutes sortes de nouvelles formes de labyrinthes (in Théorie de la dérive)."

Imagine ! l'exposition, propose une sorte de circumnavigation flamboyant dans le Temps des surréalistes de toute l'Europe et du monde. On se plait à regarder des œuvres rares. Des œuvres certaines peu connues, puis celles qui se rappellent à notre mémoire de visiteurs des musées, ou tels des lecteurs de revues et de manifestes historiques. Un ensemble où l'imaginaire du surréalisme semble palpable et vivant encore. Il faut citer l'admirable Paul Nougé, compagnon de Marcel Mariën, l'artiste et l'éditeur de ses textes : "Que l'homme aille où il n'a jamais été, éprouve ce qu'il n'a jamais éprouvé, pense ce qu'il n'a jamais pensé, soit ce qu'il n'a jamais été. Il faut l'y aider, il nous faut provoquer ce transport et cette crise, créons des objets bouleversants." Dont acte, pour les temps futurs.
 
Patrick Amine
Bruxelles, février 2024
 
 
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 9 rue du musée, 1000 Bruxelles, jusqu'au 21.07.2024
Commissariat : Didier Ottinger et Marie Sarré du Centre Pompidou et Francisca Vandepitte des MRBAB.
Catalogue MRBAB, Ludion et les auteurs, 232 pages. 2024.
www.fine-arts-museum.be
 
Catalogue MRBAB, Ludion, 2024.
En trois langues. Les illustrations de la première et de la quatrième de couverture de ce livre s'inspirent du Tarot de Marseille, un jeu de cartes à jouer traditionnellement utilisées en ésotérisme et dans l'art de la divination. Fuyant le nazisme, les artistes Wifredo Lam, Max Ernst, Jacqueline Lamba, Óscar Domínguez, Victor Brauner, Jacques Hérold, André Masson, André Breton et Frédéric Delanglade, qui ont trouvé protection à la Villa Air-Bel à Marseille, ont conçu leur propre version d'un jeu de cartes en mettant en scène des figures littéraires, des poètes, des écrivains et des philosophes qui ont été déterminants dans la pensée surréaliste : Baudelaire, Lautréamont, le marquis de Sade, Hegel (les Génies), la "Religieuse portugaise", Alice, Lamiel et Hélène Smith (les Sirènes), Novalis, Freud, Pancho Villa et Paracelse (les Mages), tandis que la figure du Joker était empruntée au Père Ubu d'Alfred Jarry. La première de couverture reprend la figure de Baudelaire (par Jacqueline Lamba-Breton) et la quatrième de couverture, celle de Freud (par Óscar Domínguez). Cette exposition est organisée à l'occasion du centenaire de la publication du Manifeste du surréalisme, en collaboration avec le Centre Pompidou, Paris du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025, la Fundación MAPFRE, Madrid (du 4 février au 11 mai 2025), la Hamburger Kunsthalle, Hambourg (du 12 juin au 12 octobre 2025) et le Museum of Art de Philadelphie (automne-hiver 2025-2026).
 

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