le passe-mondes
Hervé Di Rosa
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Comme Agnès Varda, Manitas de Plata, Georges Brassens, Paul Valery et bien d’autres artistes et intellectuels, Hervé Di Rosa est né dans la très cosmopolite ville de Sète (le 19 décembre 1959). Sa famille est d’origine italienne. Il n’a pas encore 20 ans lorsqu’il décide de s’installer à Paris avec son ami, également sétois, le peintre Robert Combas diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier. Di Rosa, quant à lui, choisit en 1978 d’intégrer l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris où il rencontre le peintre François Boisrond. En juin 1981 il propose à Wolinski, alors rédacteur en chef de Charlie Mensuel, une bande dessinée que ce dernier accepte de produire. Il lui dit néanmoins "C’est de la peinture, tu devrais les faire plus grands". Fort de ce conseil Di Rosa réalise ses premières œuvres de grand format et avec Combas font partie des jeunes artistes (Rémi Blanchard, Jean-Charles Blais, Jean-Michel Alberola, François Boisrond.) qu’expose chez lui, à l’occasion de son déménagement, le critique d'art Bernard Lamarche-Vadel. Là, sont montrées, pour la première fois au public, des images simples aux couleurs saturées et au contenu narratif clairement assumé. Dans ces œuvres réunies pour l'occasion, l’utilisation de l’espace, de la couleur et de la figuration est repensée. Le grand public découvre la « Figuration Libre » alors qu’au même moment l’art conceptuel domine la production artistique française. Les fondements de ce mouvement qu’avec Combas il avait commencé à bâtir, mais jamais concrètement théorisé puisqu'aucun manifeste n’en trace les contours, apparaissaient déjà dans la revue d’art Bato que les deux amis et Catherine Brindel (Ketty), qui deviendra la compagne de Combas, avaient créée à Sète en 1979. L’émergence de ces œuvres sur la scène artistique met la critique de l’époque dans un état second. Elle y décèle le fantôme hideux du « retour à l’ordre ». Au mieux, elle en fait soit une lecture historiciste, l’expression de la spontanéité de l’époque ou postmoderne en réaction (nostalgique) à une situation artistique bloquée, soit "naturaliste" se rapprochant des productions de l’Art Brut, des dessins d’enfants et des fous.

Bien que considéré comme l'un des fondateurs de la Figuration libre, Di Rosa aujourd'hui affirme qu'il est avant tout issu du punk, plutôt que de cette "appellation", à son goût un peu trop 80’s, donnée par le plasticien niçois Ben en août 1981.
En effet, après avoir obtenu le Prix de la Villa Médicis et donc un séjour à Rome, Di Rosa en découvrant le travail du groupe d’artistes Bazooka, (actif de 1974 à 1980 notamment dans le journal Libération) qui emprunte les outils de la reproduction et de l’impression dans un langage esthétique provocateur qui syncrétise les arts classiques, les arts industriels et les arts populaires, Di Rosa décide de faire de la BD et rêve de voir ses œuvres reproduites dans les magazines. S’appropriant ce nouveau langage plastique il crée la série des "Di Rosa Magazines" publiée entre 1985 et 1986. Elle aura un impact évident sur "l'undergraphisme" du début des années 1990.

Hervé Di Rosa n’est pas un artiste voyageur comme l’ont été Eugène Delacroix, Eugène Fromentin et consorts mais un artiste qui "déplace son atelier". En 1993 et 1984, il réside à New York et à Londres où il expose ses œuvres. Puis, il entreprend un tour du monde dans le but de nourrir son œuvre de pratiques issues d'autres cultures que la sienne, de confronter son univers artistique à des techniques et des modes d’expressions d’autres pays. Sa quête le mènera dans différent lieux de création indigènes auprès d’artistes et d’artisans Bulgares, Espagnols, Portugais, Ghanéens pour "découvrir et apprendre, en toute humilité, de nouvelles techniques à travers la richesse créative de ces pays, c'est [pour moi] la seule direction acceptable aujourd'hui, fatigué que je suis des ronds de jambe et des cerveaux de l'art contemporain occidental" dira-t-il.
Le parcours proposé par le commissaire de cette exposition intitulée Le passe-monde, laisse essentiellement voir, au travers d’un florilège d’œuvres représentatives, les 19 étapes du projet Autour du monde de Di Rosa. Empruntons la route de ce voyage initiatique et ici faisons une halte à certaines des étapes :

1ère étape, Sofia (Bulgarie) : De 1993 à 1994, Di Rosa fréquente l'atelier de la famille de Roumène Kirinkov et s’initie à la technique de l’icône (peinture à la tempéra à l’oeuf et application de feuilles d’or sur bois). Le Bonheur fait partie de la série des Dirosaïcones que Di Rosa réalise avec cette technique. Il met en scène des personnages grotesques que l’on retrouve dans plusieurs de ses créations. Le mot Bonheur en roumain est peint en lettres rouges cernées de vert en haut de la composition.

2e étape, Kumasi, (Ghana) : Di Rosa s’initie à la pratique de la peinture d’enseignes. Il réalise, entre autres, des Diropublicités en utilisant cinq couleurs, du noir et du blanc de laque glycérophatique sur contre-plaqué. Avec Art modeste qu'il termine de retour dans son atelier Parisien, il affirme son goût pour l'art qu'il dit modeste depuis l’ouverture de sa galerie à Paris en 1988.

3e étape, Porto-Novo (Bénin) : Le 6e Sommet de la Francophonie à Cotonou donne l’occasion à Di Rosa (qui y exposera ses œuvres), de travailler dans la famille Yémadjé. Celle-ci descend des tisserands royaux d’Abomey du 17e siècle. La technique, qu’il découvre lors de son séjour, consiste à superposer des découpes de tissus cousues les unes sur les autres. La sortie de l’usine en 1995 est un des 47 appliqués réalisés. Chacun représentait un des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

4e étape, Addis-Abeba (Éhiopie) : l’acrylique sur peau de zébu tendue par des lanières de cuir sur un cadre de tiges de bois a été réalisée en 1996. Intitulé Le repas des animaux, cette œuvre s’éloigne de l’iconographie de Di Rosa pour s’inspirer de celle de la production artisanale africaine pour touristes.

7e étape, Bin Duong (Vietnam) : C’est dans l’atelier d’un maître laqueur qu’entre 1997et 1998 l’artiste apprend la technique de la laque incrustée de nacre et de coquille d’œuf. Selon la tradition artisanale du Sud-Est asiatique, Le Tigre de nacre représenté ici est recouvert d’une vingtaine de couches de laque pour obtenir les effets de profondeur désirés.

8e étape, Durban (Afrique du Sud) : De 1998 à 1999 Di Rosa, poursuivant son projet s’intéresse à la tradition locale. Il choisit celle des paniers tressés en câble de téléphone. En agrandissant le format usuel des couvercles de calebasse et en utilisant une iconographie figurative, il crée des œuvres d’art et ici célèbre la fraternité humaine.

9e étape, La Havane, (Cuba) : La lithographie sur papier titrée Siboney montre deux visages de personnages appartenant au peuple décimé par les colons aux 16e siècle, les Siboneys. Ils sont dissimulés entre les racines d’un arbre. Au-delà de la partie végétale, entre les rameaux de l’arbre et la plage, on distingue la caravelle des colons.

10e étape, Mexico (Mexique) : Deux œuvres illustrent dans l’exposition cette étape qui retiendra l’artiste de 2000 à 2002 (après un premier voyage effectué en 1984) dans la capitale mexicaine : Ecoute ton corps il est vivant, réalisé avec l’aide de la famille Soteno Metepec, est une sorte d’arbre de vie en terre cuite peinte à l’acrylique. La pièce présentée dans de curieux sujets moitié organes humains moitié visages. El camion, en 2002, est réalisé avec une technique mixte. D’une part, inspirée des ex-voto mexicains, une peinture à l'huile sur bois montrant un camion roulant à grande vitesse, d’autre part, sur un large cadre en laque d’Olinalá noire et verte, un paysage volcanique et un village gravé à la plume d’oie.

11e étape, Foumban (Cameroun) : Avec l’aide de maîtres fondeurs et d’un sculpteur sur bois il réalise en 2007 le Robot à pince, qui met en scène un grand robot en bois dont le tronc évidé accueille un petit robot en bronze (c’est une série qui compte de nombreuses sculptures en bois avec des petites sculptures en bronze).

12e étape, Miami Beach, Floride (Etats-Unis) : C’est chez un spécialiste de la reproduction de statues en résine polyester qu’utilisant ce matériaux, symbole de la société de consommation américaine, Di Rosa fabrique Rich and Poor en 2005. C’est une espèce de maquette en bois et résine qui veut dénoncer une société gouvernée par l’argent. Un bonhomme, caricature d’une personne opulente devant un des "temples" de la société américaine, un marchand de voitures, va croiser un être famélique de couleur qui mendie.

14e étape, Little Haïti Miami, Floride (Etats-Unis) : Assisté de deux couturières, Di Rosa explore avec "Gun" [armes] la technique utilisée par les haïtiens pour réaliser les bannières ou "drapo" [drapeau] vaudou utilisé dans les rituels. Elle consiste à coudre sur une pièce de tissus des sequins, ces petites perles en forme de cercles aux couleurs multiples.

15e étape, Tunis (Tunisie) : Dans l’atelier d’Hatem Ben Cheikh, passé maître de la technique de la peinture sous verre, dite du "fixé", Di Rosa réalise cinq pièces. Les deux Nigauds présentés dans l’exposition figurent dans un décor végétal et animalier paradisiaque très coloré l’image de deux touristes ridicules déambulant dans un environnement stéréotypé issus de l’imagerie traditionnelle destinée aux touristes.

18e étape, Séville (Espagne) : En 2013, à la faveur de la Semaine sainte, Hervé Di Rosa découvre l’exubérance baroque des figures en ventes dans un magasin d’articles religieux. Il s’en inspire pour créer ses Vierges de l’art contemporain. Ce sont des sortes de poupées revêtues de capes brodées de fils d’or et d’argent. Sur certaines on retrouve les cinq yeux superposés qu’il a peint sur de nombreuses toiles.

19e étape, Lisbonne (Portugal) : Pour cette ultime étape en 2016, c’est dans une fabrique d’azulzjos, que travaille Di Rosa. Sur de grands formats par exemple il convoque sur son panneau en carreaux de faïence dans les tons jaune pour les machines volantes et bleu pour le ciel A grande fuga un monde futuriste où des dirigeables sont pilotés par des personnages issus de son univers fantasmagorique.

A l’entrée de l'exposition, on peut voir une très grande vitrine d’objets, de figurines, de jouets en plastique ou en résines diverses. Stupéfiante ! Un ensemble de ces objets font partie également des fameuses Caravanes de l’art modeste, imaginées par Di Rosa (1) C’est en parallèle à sa propre production plastique que Di Rosa collectionne ce qu’il appelle les « arts modestes », ces productions esthétiques, manufacturées, réalisées en dehors du champ des beaux-arts.
C’est en novembre 2000, sur la proposition du ministère de la Culture, que Di Rosa crée à Sète le Musée international des arts modestes (MIAM) avec Bernard Belluc.
Autour des œuvres entrées dans ses collections grâce à un don de l'artiste en 2013 et à des prêts d’œuvres récentes, le Centre Pompidou avec cette passionnante exposition "Hervé Di Rosa, le passe-mondes" réunit une trentaine de pièces au total allant de l’époque de la Figuration libre à des objets d’art modeste et des peintures récentes. L’exposition donne un aperçu d’ensemble de cet artiste Nec pluribus impar. (*)
 
Philippe Albou et Patrick Amine
Paris, mars 2024
 

Hervé Di Rosa

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Hervé Di Rosa

Hervé Di Rosa Centre Pompidou, MNAM-CCI Bertrand Prevost

 

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Hervé Di Rosa Centre Pompidou, MNAM-CCI Bertrand Prevost

 

Hervé Di Rosa

Portrait d'Hervé Di Rosa, 2022. © Antoine Schneck

 
Notes :

Hervé Di Rosa, le passe-mondes - Centre Pompidou – Galerie d'art graphique. Du 28 février jusqu'au 26 août 2024. Catalogue de l'exposition Hervé Di Rosa, Le passe-mondes. Sous la direction de Michel Gauthier 72 pages, 25 €

* Louis XIV avait pris pour devise cette expression "Je suffis à plusieurs mondes" ou bien : "À nul autre pareil !".

(1) Rappelons notre exposition : Les Caravanes de l'art modeste d'Hervé Di Rosa qui ont été présentées pour la Nuit Blanche 2012 - 6 octobre : de 20h à 2h, dans la Cour Napoléon, face au site des Pyramides du Louvre. "Dans le cadre de la Nuit Blanche 2012, Hervé Di Rosa présente les 3 Caravanes de l'art modeste. Les caravanes de l'Art modeste sont au nombre de trois. Hervé Di Rosa a aménagé la première en 1990. Elle accueillait une partie de ses collections d'innombrables figurines, formant ce qu'il nomme une "archéologie de l'enfance". Elle a été présentée lors de l'ouverture du MIAM (Musée International des Arts modestes, à Sète, une création de Bernard Belluc et d'Hervé Di Rosa). Les deux autres sont : la Caravane des spiritualités et la Caravane des technologies, qui évoque un vaisseau de la guerre des étoiles : hélicoptère sud-africain construit avec des perles, jouets africains et gadgets futuristes réalisés en matériaux divers… La troisième caravane regroupe les représentations religieuses : milliers d'objets populaires artisanaux, véritable panthéon vaudou, accumulations surréalistes aux plus improbables associations d'idées ! Une floraison visuelle aux frontières de l'art brut, de l'art naïf et du pop." Patrick Amine.)
Le MIAM, 23 quai Maréchal de Lattre de Tassigny 34200 SETE.

Signalons nos ouvrages communs avec l'artiste : Patrick Amine, Le Tour des Mondes d'Hervé Di Rosa, Entretien et texte sur Hervé Di Rosa, Ed. Actes Sud, 2013. Suite à notre exposition au Centre d'art Villa Tamaris, La Seyne-sur-Mer ; Journal modeste, Carnets de dessins, Entretien avec Hervé Di Rosa par Patrick Amine. Ed. Buchet-Chastel, Coll. Les Cahiers dessinés. 2007 "Les dessins d'Hervé Di Rosa sont drôles et il aimerait qu'on les prenne au sérieux. Certains d'entre eux sont sérieux mais il demande qu'on s'en amuse. Hervé Di Rosa aime bien les paradoxes, les pieds de nez, les volte-face, les surprises. On le connaît comme peintre, sculpteur, agitateur ; maintenant il voudrait qu'on se penche sur ses dessins religieusement regroupés dans de grands cahiers en cuir rouge. Un jour, un dessin ; un dessin par jour, mais ce n'est pas un journal : c'est une idée, une fleur, un bout de papier collé, une phrase, une image trouvée dans une BD populaire. Ce ne sont pas des cahiers de voyageur, même si Hervé Di Rosa voyage tout le temps, au Mexique, en Floride, en Afrique, en Asie, et même à Sète, son village natal. Ce ne sont pas non plus des cahiers intimes : ce sont des fourre-tout, et le meilleur dans un fourre-tout, c'est de goûter à tout et se régaler." Patrick Amine
 

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