Christian Bastian, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Cette exposition Prélude a pour objet de montrer des peintures et des dessins réalisés par l'artiste Christian Bastian dans l'Aude. Quelques œuvres sont choisies parmi un ensemble qui couvre plus de trois décades, et, préfigure une prochaine rétrospective intitulée : Traverser le paysage avec désir et hasard, qui aura lieu l'été 2024, dans différents lieux de la région (et notamment à L'Abbaye de Lagrasse, l'été prochain). Dans les années 1990, l'artiste s'est installé à la Pradeille, à Villar-en-Val, à l'orée de la forêt des Corbières occidentales et face à la Montagne d'Alaric. C'est à cet endroit qu'est né l'écrivain et poète, Joseph Delteil (1894-1978).
Les tableaux de l'artiste constituent plusieurs séries : paysages, portraits, dessins, et notamment certaines œuvres classiques de l'histoire de la peinture sont revisitées par son style. Cet ensemble aux thématiques et aux médiums divers révèle la palette variée de Christian Bastian.
La Fabrique des arts de Carcassonne accueille ce Prélude.

Pour un Prélude

Traversons alors le paysage de l'artiste avec désir et fulgurance. Nous regardons le paysage comme on regarde les grands tableaux de l'histoire de la peinture. C'est ainsi que l'ultime déclic s'opère dans l'imaginaire du spectateur et de l'artiste lui-même. Tout revient à ce que disait Cézanne. Les artistes n'imitent pas la nature. Ils inventent une image de la nature, du paysage, à travers le prisme de leur imaginaire. L'artiste, Christian Bastian, s'est attaché au paysage où il vit depuis une trentaine d'années. Les éléments de ces lieux ont contribué à composer sa vision et à refondre sa perception de la nature et sa conception de la peinture à travers le temps. Il absorbe son paysage, découvre les points de vue environnants, va de chemins en chemins trouver les perspectives vers les cimes, l'œil rivé vers la montagne d'Alaric, vers les hauteurs des massifs des Corbières, de l'Aude. Avant la vision totale panoramique du paysage, il y a l'entrée dans les bois, les arbres qui se dressent, ainsi la main du peintre dessine avec la vitesse requise par le tempérament de l'artiste les espaces de sa peinture où naissent et surgissent des sensations pour le spectateur.
La main du peintre s'agence aux éléments de la nature tels qu'ils s'imposent à son regard. Le paysage reste en quelque sorte au-delà de ce qui est peint.
Une furie du vert, et les sous-bois palpitent entre ombre et lumière.
Il y a, par ailleurs, la série des baigneuses, elle semble sortir d'un lieu indéfinissable.
Elles apparaissent dans un bois comme catapultées d'un lieu insoupçonnable. Elles dansent.

"Il arrive un moment dans la vie 
Où vous décidez de faire une promenade 
Et vous vous promenez dans votre Paysage."
Wilhem De Kooning

Tout le monde connait cette photo de Cézanne prise en 1874 à Aix-en-Provence. Il fixe le paysage devant lui. Il a sa boîte de couleurs, sa toile, son chevalet et ses pinceaux. Il se dirigeait vers la Sainte-Victoire pour peindre sur le motif, comme on disait à cette époque. Je rapproche cette image du geste de Christian Bastian quand il plonge avec ses crayons et ses pinceaux dans le paysage des Corbières ; il vise tel un tireur à l'arc les lignes et les formes de la montagne d'Alaric. Il s'immerge et capte l'essence de l'espace qui s'ouvre devant lui.

Alain Roger, dans son livre, Court traité du paysage, note : "qu'un paysage n'est jamais réductible à sa réalité physique — les géosystèmes des géographes, les écosystèmes des écologues, etc. —, que la transformation d'un pays en paysage suppose toujours une métamorphose, une métaphysique, entendue au sens dynamique. En d'autres termes, le paysage n'est jamais naturel, mais toujours surnaturel".

Ainsi, Christian Bastian, au milieu de cette nature sauvage, va saisir très vite par ses sensations, par son flux nerveux, les images que sa rétine va transmettre à ses toiles. Ressentons abondamment cette vibration du peintre face aux éléments qu'il nous donne tout de go. Sans limite.