AntéFutur
CAPC Bordeaux
 
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AntéFutur CAPC Bordeaux. Rebecca Ackroyd, Hunter / Gatherer viii, 2018
Acier, plâtre, cire, papier, courroies. Courtesy Peres Projects, Berlin / Séoul / Milan.

Dès qu’on entre dans cette exposition, on est immédiatement happé par les images et l’atmosphère générale. L’intitulé peut rebuter, mais il en n’est rien, si l’on peut dire. "Apocalypse écologique, pandémie, canicule, feux de forêt, discours alarmistes des spécialistes de tous bords largement relayés par les médias et les blockbusters hollywoodiens…" Etc. Les images des artistes sont présentes pour exorciser la thématique générale qui s’appuie sur des hypothèques de conjectures et de prospectives futuristes – ou de scénarios parallèles à la situation actuelle – celle que nous vivons – dans les domaines tels que la technologie, la biogénétique, la transformation du vivant et les dérives des expériences issues des laboratoires. Que peut-il ressortir du magma sociopolitique et des problèmes d’écologie actuels ? Notre confrère, Paul Ardenne, avait abordé dans son livre, Un art écologique (1), la complexité du sujet : "Le désordre écologique est en route, lourd de menaces pour la survie des espèces, dont la nôtre. Bien des créateurs, conscients de l'urgence d'une réplique "verte", s'engagent et instituent de nouvelles normes d'expression, d'essence écologique. Pour changer les mentalités, pour réparer, pour refonder l'alliance avec la Terre, jusqu'à nouvel ordre notre unique zone d'habitat possible. Car l'anthropocène est là, cette ère de la vie de notre planète où les effets de l'activité humaine affectent celle-ci, en surface et dans l'atmosphère, plus que l'action tellurique. Ce qu'il faut, c'est agir, s'investir, susciter une symbolique du combat et de l'éthique. Adaptées aux exigences du développement durable, les œuvres plasticiennes éprises d'écologie adoptent des formes inusitées : travail dans et avec la nature, développement de laboratoires, pratique du recyclage et des interventions éphémères, création collaborative et poétique de la responsabilité…". Il imaginait un art nouveau qui prendrait racine à partir de toutes ces réflexions.

Lors d’une rencontre avec Bruno Latour (2) qui s’est tenue à Bordeaux – ce dernier avait travaillé avec l’artiste Tomás Saraceno (l’homme des toiles d’araignées, dont le laboratoire se trouve à Berlin, souvenez-vous de la grande exposition au Palais de Tokyo, en 2018 - du 17/10/18 au 06/01/2019 ; ils avaient dialogué ensemble au Louvre en 2015) –, le sujet consistait à s’interroger sur la fonction de l’art, comment cette discipline peut dire des choses sur la transformation du monde, l’auteur stipulait : "Je pense que ces artistes sont très en avance sur la perception (même scientifique) de la nouvelle situation matérielle du monde dans lequel nous sommes ; qui n’est plus un monde matériel, au sens classique de la révolution scientifique, mais un monde animé et modifié par les vivants. Tout ce qui nous permet de rendre sensible cette nouvelle situation est d’une importance capitale. Les artistes introduisent une rupture avec le regard "naturaliste". Il ajoutait ce mot qui aurait plu à Duchamp : "Nous sortons du naturalisme, pour la même raison que nous sortons du modernisme."

Evoquons, par exemple, un événement "singulier" et presque surréaliste qui a eu lieu : C’est l’œuvre éphémère et critique : Icewatch d’Olafur Eliasson, l’artiste avait fait installer des blocs de glace à la Place de la République à Paris, durant la COP 21 (2015). Il fallait mesurer l’effet du montage économique d’une telle installation et de son effectuation dans la ville ! L’effet de protestation fut efficace. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Les artistes qui composent cette scénographie aérée et surprenante d’Antéfutur ont tous des approches différentes des thèmes abordés et mis en exergue. Avant le futur, titre programmatique de cette exposition, où en sommes-nous ? Prenons ce groupe : Pakui Hardware composé de Neringa Černiauskaitė & Ugnius Gelguda, ils ont intitulé leur installation Virtual Care. Deux globes suspendus qui diffusent des images où s’entrechoquent des formes de bactéries… Agnes Scherer a dressé un drôle de lit avec un couple, la femme est vissée sur son ordinateur est entourée de papiers sur son lit, des feuilles sont pendues sur des fils… tandis que l’homme dort de l’autre côté, c’est intitulé Cœurs simples, une allusion à Flaubert ?... Rebecca Ackroyd nous montre une sorte de végétal épineux où sont accrochées des bouteilles en plastique ; les deux lézards collés imaginés par Orian Barki et Meriem Bennani semblent venir d’une autre planète ; Yuyan Wang montre une vidéo sur ce qu’il intitule : Mille et une attitude pour être un océan (One Thousand and One Attempts to Be an Ocean, 2021). Des photos ou des vidéos comme celle de Pedro Neves Marques nous entraîne dans un univers hybride où plantes et machines s’entremêlent et se transforment.

Que faire ? C’est peut-être à nouveau la question (Lénine) que l’on doit se poser. Quelles sont les alternatives ? Arthur Danto parlait de la transfiguration du banal à propos du geste de Warhol par rapport à la société de consommation, à la transformation de ses objets, à l’univers des médias, de son corpus d’images et à ses artefacts. Ici, dans cette configuration d’Antéfutur, une réflexion sur notre société techno-bio émerge avec de nouveaux médiums. Les artistes nous apportent de nouvelles pistes pour s’interroger sur notre contemporanéité. Ouvrons nos yeux et nos oreilles ! L’œil écoute encore les vibrations des Temps anciens et présents !
 
Patrick Amine
Bordeaux, juin 2023
 
AntéFutur du 07 avril au 03 septembre 2023
CAPC (Centre d'arts plastiques contemporains), 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux
www.capc-bordeaux.fr

Commissaire : Sandra Patron, directrice du CAPC

Artistes de l’exposition : Avec : Rebecca Ackroyd, Monira Al Qadiri, Orian Barki & Meriem Bennani, Diego Bianchi, Zach Blas, Camille Blatrix, Dora Budor, Sebastián Díaz Morales, Lola Gonzàlez, Pakui Hardware, Judith Hopf, Cooper Jacoby, Roy Köhnke, Agnieszka Kurant, Olivier Laric, Xie Lei, Basim Magdy, Lou Masduraud, Pedro Neves Marques, Sandra Mujinga, Berenice Olmedo, Joanna Piotrowska, Agnes Scherer, Yuyan Wang. Vue de l’exposition Antéfutur, Capc Musée d’art contemporain, Bordeaux (07.04.2023 – 02.09.2023). Photos Arthur Péquin.

(1) Paul Ardenne, Un art écologique – création plasticienne et anthropocène, Ed. Le Bord de l'eau, Coll. La Muette. 2019.
(2) Bruno Latour : "Pour des raisons historiques, d'histoire de la philosophie et d'histoire des sciences, les modernes se sont organisés intellectuellement avec l'idée qu'il fallait interpréter l'expérience avec deux gabarits ontologiques, l'objet et le sujet. Depuis le 17e siècle on considère que c’est la façon dont on va capter l'expérience. Évidemment, dans la pratique de nos expériences en science, pratiquement aucune discipline scientifique, sciences sociales ou sciences naturelles, ne tient dans ces gabarits. C'est le paradoxe des modernes, ils essaient d'absorber une expérience multiforme avec deux gabarits. Ils sont évidemment toujours inquiets."

En 2023, le Capc fête ses 50 ans. 50 années dédiées à la création contemporaine, que l’institution célèbre à l’occasion de deux temps forts en juin et en septembre. Toujours en quête de pratiques artistiques novatrices en prise avec les enjeux de leur époque, le Capc déploie depuis cinq décennies une activité dense et ininterrompue d’expositions, performances et actions de médiation auprès des bordelais et bordelaises, et d’un public national et international. Tout au long de l’année, le Capc, à la double identité unique de musée et centre d’art contemporain, revient sur son histoire pour mieux se plonger dans l’avenir. Au programme : des rendez-vous riches en événements, une publication et une exposition d’envergure dans la nef du musée.

Prochaine exposition : Kapwani Kiwanga, Commissaire Sandra Patron
Vernissage, jeudi 29 juin, 19h - Nef du Capc du 30 juin au 7 janvier 2024
Après ses récentes expositions personnelles au New Museum de New York, à la Haus der Kunst de Munich et au MOCA de Toronto, et avant le Pavillon canadien pour la 60e Biennale de Venise (2024), l'artiste canadienne Kapwani Kiwanga investit la grande Nef du Capc pour un projet inédit pensé en écho à l’histoire du lieu, qui était au XIXe siècle un Entrepôt de denrées coloniales pour devenir dans les années 1970 un des lieux de création contemporaine les plus emblématiques en France et à l’étranger. Inviter Kapwani Kiwanga relevait pour le Capc de l’évidence, tant sa pratique s’ancre à la fois dans la création d’ouvertures temporelles et spatiales pour modifier les manières de voir et d’interpréter notre histoire commune, mais également dans un intérêt marqué pour l’histoire des formes minimales, si présentes dans l’histoire de l’institution. Week-end de célébration des 50 ans, samedi 23 & dimanche 24 septembre 2023

Pour célébrer ses 50 ans, le Capc propose un long week-end d’effervescence artistique et culturelle. Jour et nuit, aux quatre coins de l’entrepôt Lainé, des rendez-vous, évènements et autres surprises témoignent des audaces du temps présent et explorent l’avenir tout en revisitant l’histoire du musée, sa mythologie et ses fantômes. Performances, débats, conférences, ateliers, visites insolites, jeux de pistes, musique et dancefloor… seront ainsi au programme de ce grand moment de célébration, conçu pour être à la fois rétrospectif, prospectif et festif.
• Performances des artistes : Socheata Aing, Laëtitia Badaut Haussmann, Jesse Darling & Raju Rage, Anne Le Troter, Maroussia Rebecq…
• Atrium Tv : Autoportrait du Capc en 21 entretiens-Rencontres avec 19 personnalités du monde de l'art dont Marie-Laure Bernadac, Nicolas Bourriaud, Henry-Claude Cousseau, Thierry Davila, Maurice Fréchuret, Charlotte Laubard, Sarkis…

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